au hasard des choses (pv)

L'Etat de Virginie était vaste, les frères Garner y situaient leur quête actuelle depuis quelques semaines déjà et, durant ce laps de temps, ils étaient passés par de nombreuses villes. Les enquêtes se poursuivaient, inlassablement, les nouveaux phénomènes paranormaux surgissaient, perpétuellement. C'était par ce biais là qu'ils prenaient la route, par ce même biais qu'ils choisissaient leur prochain arrêt. En 13 ans d'expérience, ils avaient appris à être parfaitement coordonnés, à être sur la même longueur d'onde. Ainsi, il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'ils se retrouvent aux abords de Charlottesville, ce jour précis où Charlie rencontrerait à nouveau la jeune Jess Anne Summers. Mais ne brûlons aucune étape, puisque les frères Garner viennent tout juste de poser les bagages qu'ils avaient dans le coffre de leur véhicule dans un petit motel, dans la périphérie de la ville. Un meurtre non élucidé d'une gamine les avait tout bonnement attirés dans cet endroit assez reculé de l'Amérique. Tout à fait par hasard, ils avaient choisi un motel, ils s'y étaient arrêtés et étaient parvenus à subtiliser de manière assez maligne une clé. Sous une fausse identité, ils avaient su se procurer une chambre tout en avançant le prix que leur reviendrait leur bref séjour en ville. Mais ce jour-là, comme beaucoup d'autres jours, ce n'était pas à deux qu'ils posèrent les valises dans cette chambre insalubre et vétuste, mais à trois. Car depuis plusieurs mois, voire quelques années déjà, avait rejoint l'équipe la jeune Alexia. Une femme au passé sombre et à la vie chaotique et désordonnée. Une femme un peu perdue qui avait décidé de laisser la chasse prendre une place trop importante dans sa vie et qui s'était jetée corps et âme dans la même quête après laquelle couraient les deux frères Garner. Après tout, il n'y avait pas de sots métiers. La chasse était aujourd'hui toute leur vie. Subtils, malicieux, malins et intelligents, entraînés, rusés et futés, ils avaient dans leurs mains toutes les ficelles du métier et n'étaient plus à la masse. Ereintés par le chemin parcouru, ils dormirent une bonne partie de la journée, comme à l'accoutumée. Charlie dormit seul, Alexia et Declan partagèrent le même lit, car souvent, ils empruntaient l'image d'un couple pour obtenir des rabais. C'était une simple image mais parfois, Charlie percevait dans les yeux de son frère et de la jeune femme une certaine gêne quant à leurs rôles respectifs qui lui faisait parfois croire qu'une histoire bien plus… subtile se cachait là-dessous. Pourtant, le jeune cadet de la famille Garner n'avait jamais cherché à comprendre le comportement de son frangin, il n'avait même jamais cherché à élucider les mystères que son grand frère cherchait désespérément à lui masquer sous des faux-semblants, sous des grandes théories. Charlie ne se risquait jamais sur ce terrain trop… dangeureux.

La soirée arrivait rapidement, le soleil se coucha et soudainement, la pièce fut plongée dans le noir. Charlie ouvrit les yeux difficilement, face à lui, sur le lit, Alexia et Declan reposaient paisiblement. Le bruit de leur respiration entremêlées le fit sourire, bien malgré lui, lui procurant un sentiment de sécurité particulièrement serein. Se redressant sur son séant, il attrapa le t-shirt qu'il avait enlevé brièvement pour l'enfiler, sans perdre de vue le seul raid de lumière qui traversait encore les persiennes. Posant un pied à terre doucement, il fit attention de ne réveiller personne. Dans la chambrée, il était le seul à avoir pu se reposer durant le trajet, Alexia et Declan n'avaient eu de cesse de discutailler durant l'épopée et de ce fait, ils devaient être sur les rotules. Depuis que la jeune femme avait rejoint leur duo, rien n'était plus comme avant. L'ambiance était sur la retenue et les virées entre mec durant lesquels on s'autorisait à parler de filles et de sexe avaient bel et bien disparues derrière des virées entre copains pendant lesquels on surveillait ce qu'on se disait, ce qu'on écoutait. Charlie avait préféré dormir plutôt que de devoir continuer d'écouter ses deux comparses parlementer sur des sujets qui ne l'intéressaient guère. Voilà pourquoi, ce soir-là, il quitta la chambre tout seul. Brièvement, il attrapa une cigarette dans la poche de son veston et avança dans le parking. Il n'était armé que d'un couteau qu'il avait pris soin de cacher dans son jean. Tranquillement, il traversa le parking et quitta la civilisation pour s'enfiler dans les bois, qui s'élevaient près du motel. Le silence le frappa instinctivement. La solitude aussi ! Sous le clair de lune, il se surprit un instant à soupirer. La lassitude ne le gagnait qu'à de très rares occasions, mais parfois, il rêvait d'une vie sans démons, sans vampires. Cette vie-là qu'il avait refusée lorsqu'il avait compris la véritable nature de celui qui avait tué ses propres parents. Cette vie-là qu'il n'avait, jusqu'à présent, encore jamais regretté. Et puis, un bruit lui parvint… Et la fatigue laissa place à l'angoisse, l'adrénaline. Il n'était plus seul dans ces bois, c'était à présent une certitude… Par instinct, il dégaina rapidement sa seule arme et plissa les yeux. Mais la nuit n'était pas assez éclairée pour lui donner un angle de vue parfait, et soudainement, il se surprit à regrette de n'avoir réveillé personne en quittant leur chambre, tout à l'heure.

Louisiane 16 avril 2011

Les sourcils froncés avec un air concentré, Jessica tentait de fixer une bordure de strass sur un gros coussin de feutrine déjà recouvert de paillettes et de motifs de tissu en forme de petits personnages. Mais malgré, tous ses efforts, cet imbécile de ruban refusait de tenir. Au lieu de se coller au coussin, la colle était et prenait un malin plaisir à poisser les mains de la jeune femme et à couler sur la table de cuisine. Quand elle voulut enlever une mèche de cheveux blonds qui lui glissaient devant les yeux, celle-ci resta collée à ses doigts, et elle faillit se l'arracher du crane. Elle poussa un glapissement d'exaspération. Sa cousine Bela éclata de rire. « Seigneur, tu as des paillettes plein les cheveux, et des strass sur les oreilles. » « Si ça continue, c'est moi qui sera décoré, marmonna Jessica. Je suis vraiment contente d’être ici, je ne passe pas assez souvent te rendre visite. Jess jeta un coup d’œil à la pile de coussins que Bela devait vendre pour l'association des parents d'élèves. « La prochaine fois, je ne me porterai plus volontaire pour préparer ce genre de choses. » Affirma Bela, la cousine de Jessica. « C'est pour la bonne cause Bela, réunir des fonds pour ton lycée qui comme tous les établissements scolaires sont à court d'argent. » Blagua Jessica en lassant un petit regard complice à sa cousine. « Tu parles, c'est d'un ennui. Mais bon nous avons besoin de ce fric pour financer les cours d'été et faire baisser le taux d'abandon avec le bac ... » « De mon temps, l'été servait à prendre des vacances bien méritées, soupira Jessica sur un ton très nostalgique. Une seconde plus tard, son téléphone portable sonna. Jessica saisit le combiné puis dit « Oui ? »

Vers neuf heures et quart ce soir-là, trois avions en provenance de la Virginie se posèrent à l'aéroport. Jessica n'était pas du genre à prendre l'avion lorsque qu'elle partait pour une chasse, mais sa cousine lui avait payé récemment un biller en première classe, histoire de ne pas prendre la route. Pour des raisons de sécurité, les gens qui venaient chercher les voyageurs n'étaient pas autorisés à les attendre devant les portes de débarquement, ils devaient se masser au- delà des points de contrôle. Jessica se mêla au flot paresseux d'hommes et de femmes qui se mêlaient confusément dans l'aéroport de Shreveport. Pendant que certains portaient une quantité monstrueuse de bagages, Jessica elle se contentait d'une petite valise minuscule. Devant elle, un type aux épaules larges, et dont les boucles de sa chevelure étaient resplendissantes. Aussitôt ce type lui rappela Charlie Garger, l'amour de sa vie. Naturellement les choses n'étaient pas simples. Jessica ne lui avait jamais réellement avouer ses sentiments, de peur de souffrir après avoir partagé un baiser d'une passion brulante, Jessica était partie. Depuis, deux semaines elle s'était réfugiée chez sa petite cousine et sa tante, abandonnant la chasse pendant quelques temps. Aujourd'hui la revoilà exactement à la même place qu'elle la était dans le passé.

Charlottesville 19 avril 2011

Lorsque Jessica sortie du taxi, cette légère brise la frappa de plein fouet. Même si les palmiers qui bordaient le parking se balançaient doucement au gré d'une brise tropicale, la température devait avoisiner les 16 degrés. Jessica s'arrêta brusquement, fixant la porte d'entrée de l’hôtel bien misérable. Le coté pratique en Amérique, c'était qu'on pouvait louer une chambre à n'importe quelle heure de la nuit. Quelques minutes plus tard, après avoir pris une bonne douche froide et avoir fait sa petite séance de zapage télévisé, Jess décida de sortir dehors un instant pour humer l'odeur de l'humidité de la nuit. Détachant son regard de la lune ronde et brillante qui flottait au-dessus de Charlottesville, la belle s'engagea péniblement dans une petite foret voisine à l’hôtel. Soudain, la personne que Jess aperçu lui fit ouvrir des yeux aussi gros que des paniers de basket. Elle hésita. « Charlie » Couinât-elle.

L'arme dégainée, le regard planté dans le vide, Charlie était à l'affût du moindre bruit. Parfois, il se surprenait à espérer qu'un monstre suffisamment fort puisse l'atteindre et surtout le tuer. Parfois, il se surprenait même à souhaiter en venir à bout, de tout ça, de toute cette vie, de tout ce qu'il avait vécu en compagnie de son frère, d'Alexia, de ce cauchemar permanent dont jamais il n'était encore parvenu à se réveiller. Charlie n'avait pas une vie qu'on qualifiait d'aisée, qu'on qualifiait de facile ou encore de simple à vivre. Le jeune chasseur avait derrière lui un passé lourd de choix et de décisions qu'il avait pris sans jamais les regretter, pourtant, parfois, il souhaitait tout bonnement venir à bout de ce qu'il pourchassait sans relâche, de ceux qu'il chassait. Charlie aspirait à une vie tranquille, du moins, il le pensait, à l'époque. Lorsque son frère lui avait révélé l'existence des monstres et des démons, tout avait été remis en question et l'ordre des choses s'en était vu bouleversé. Si, à l'époque, Charlie avait pris la décision de suivre son frère, de quitter l'orphelinat contre leur gré et de s'enfuir en compagnie de son aîné, il lui arrivait parfois d'imaginer ce que serait aujourd'hui sa vie s'il était resté là-bas, dans le Wisconsin. Il prenait plaisir à réinventer le cours des choses, se voyant noyé sous une pile de leçons à corriger, de cours à préparer. Il aurait pu être cet imminent professeur si seulement le surnaturel n'avait pas fait partie de son quotidien, s'il n'avait pas frappé à sa porte un beau matin tout en lui sommant de tout plaquer pour vivre une existence périlleuse et courte, qui plus est. Mais il était trop tard et de toute évidence, quoi qu'il eût souhaité, Charlie ne le regrettait pas une seconde. Il était aujourd'hui un chasseur hors pair qui connaissait les ficelles du métier sur le bout du pouce. Il savait y faire et possédait une capacité hors du commun en matière de survie. Ce qu'il avait, à l'époque, décidé, n'avait aujourd'hui plus aucune importance. Il aimait son frère, plus qu'il n'oserait jamais le lui avouer, il aimait énormément Alexia et la vie qu'ils menaient, tous les trois, sur les routes, lui convenait parfaitement. Après tout, ne s'était-il pas fixé pour seul but de retrouver ce salaud de vampire qui avait un jour décidé de tuer les êtres les plus chers à son cœur ? Ainsi, quoi qu'il advienne, quoi qu'il arrive, jamais il n'abandonnerait. Si Declan semblait de moins en moins y croire, Charlie, lui, était persuadé que ce vampire était encore en vie, rôdant par ci, par-là, et qu'un jour, ils tomberaient dessus. Il savait aussi qu'un jour, ils le retrouveraient et qu'ils le tueraient, ensemble, vengeant ainsi leurs parents.

Ce n'était pas le moment, pour l'heure, d'envisager la suite de ses aventures… Il fallait qu'il se concentre sur son principal objectif lors de la chasse ; la survie ! Ainsi, l'arme dégainée et le regard averti, il scruta les alentours, mais personne. Pourtant le bruit se fit de plus en plus proche… Soudainement, il réalisa que l'individu l'attaquait par derrière et donc, rapidement, il fit volte-face, prêt à balancer un revers du poing à son adversaire mais se ravisa au dernier instant… Et à l'angoisse fit place la stupeur, à la stupeur fit place l'incompréhension et à ce dernier sentiment fit place l'était statique de la surprise. Bouche béate, il observa Jess Anne Summers sans vraiment comprendre la raison de sa présence, en ces lieux. Et brusquement remontèrent à la surface une foulée de sentiments qu'il avait pourtant cherché à nier dès le premier instant. Un seul baiser volé lors d'une chasse l'avait amené sur une pente descendante. Être amoureux dans son job, c'était comme être manchot en volley-ball, c'était un handicap majeur qui ruinait votre carrière sans même que vous vous en rendiez compte. Voilà pourquoi il avait fui aussitôt la chasse terminée. Jess et lui n'avaient alors plus eu un seul contact, un lien qu'il avait cherché à rompre malgré tout ce qu'il pouvait déjà ressentir pour la jeune femme en question. Malgré les remontrances de son frère qui lui en avait voulu durant plusieurs heures de n'avoir même pas profité de la faiblesse de la jeune femme pour coucher avec elle, il avait tenu bon et avait tourné plus ou moins la page. Pourtant, les faits étaient là, face à lui. La revoir après tout ce temps le laissait tout aussi perplexe et surpris qu'il l'avait été lorsque il avait posé ses yeux sur elle pour la première fois. Une émotion toute particulière caressa son échine, rendant la situation bien moins confortable qu'elle ne l'était déjà. Et alors que son cœur lui hurlait de la serrer contre lui, ses jambes reculèrent, d'un pas, puis de deux. Prenant une certaine distance, il tentait de rester calme et serein. Il ne tenait pas à lui faire voir une quelconque faiblesse de sa part, il ne voulait pas qu'elle s'imagine que… il ne voulait pas la faire souffrir ! Le regard perdu dans le sien, il s'appuya contre un arbre pour se donner un minimum de contenance… « Anne… c'est toi ! » lui dit-il, tout simplement, sur un ton faussement ravi. Mal à l'aise obligeant, il força un sourire sans détacher ses yeux d'elle. Jess était toujours aussi belle, toujours aussi simple et toujours aussi… attirante ! Mais valait-il la peine qu'il se lance dans une quelconque relation si cela impliquait qu'il la mette aussi en danger, elle ?

J'avais eu plus que mon compte d'expériences détestables, phénomène auquel on ne s'habitue pas rapidement, croyez-moi. Il semblait cependant inévitable que j'affronte à nouveau la peur, la frustration et la contrariété. C'est à croire que j'étais marqué du sceau des catastrophes. J'avais beau essayer d'y échapper à maintes reprises, ces sentiments revenaient toujours. Pour autant, cette fois différait beaucoup des précédentes situations, ou je m'étais sentie très mal. Il est tout à fait possible de fuir celui que l'on craint, de lutter corps et âme d'un amour brulant. Je savais réagir face à ce genre de personnes. Mais lorsqu'on aime, on n'a plus de choix, plus de sorties de secours. Expliquez-moi comment peut on fuir et lutter si cela signifie blesser l’être aimé ? Si la vie est la seule chose que j'ai a donné, comment je pourrais lui refuser ?

Ce n'était pas le fait de le voir face à moi, ce n'était pas le fait de plonger mon regard dans le sien et ce n'était encore moins le fait d'admirer à nouveau la délicatesse de son visage. Mais curieusement sa présence me donnait le sentiment que je l'avais quitté il y a encore quelques heures, cette fausse impression me revint comme un frisbee dans la tronche au moment exact ou Charlie ouvrit la bouche. « Anne... c'est toi ! » me dit-il simplement, sur une intonation faussement joyeux. Je n'aimais pas cette situation ce malaise entre nous qui s'installer prudemment et simplement. Je le sentais très tendu et cet gène que Charlie exhalait ne m'aider pas à faire la conversation bien au contraire. Une légère brise vint me caresser les cheveux, libérant une mèche blonde, couleur blé. La dernière fois que Charlie et moi avions bavardé, les choses étaient d'une intensité forte et douloureuse à tel point qu'entendre la mélodie de sa vois me procurer des frissons. J'essayais de ne pas y penser et de prendre une pose naturelle. A la fois heureuse et anxieuse, je lui fis un léger sourire qui en disait long sur mes sentiments en cet instant précis. Que faire quand une jeune femme est éperdument amoureuse d'un homme, mais que celui-ci refuse de lui prouver son amour par peur de la mettre en danger ? Cette question allait et venait au gré de profonds moments d'incertitude totale dans mon quotidien. Ce qui m'avait aidée à oublier toute cette histoire, c'était Bela ma petite cousine. Passer quelques jours en sa compagnie me permettait de faire un break et pouvoir me consacrer à autre chose que la chasse, mais les bonnes chosent ne durent jamais à ce qui parait ... C'est alors, dans un élan de courage et bravoure que je lui dis :

- Oui. C'est moi Charlie. Comment vas tu ? Béguai-je

La situation étant tellement cocasse, je ne savais plus ou me mettre ni quoi dire, quoi faire. Je ne voulais pas que les choses se passent de cette manière, c'est pourquoi je tentais une approche plus simple et relâché.

- J'ai comme l'impression que toi et Declan, vous travaillez sur ce meurtre non élucidé ? Je me trompe ?, me rassurai-je

J'étais incapable de faire mieux.

La mine déconfite, il l'observa un instant en silence. Les premiers mots qu'il lui dit ne furent pas glorieux, encore que l'effet de surprise n'avait pas été des moindres. Mais sur le coup, son cerveau avait fonctionné au ralenti et seules ses paroles peu réconfortantes avaient réussi à trouver une issue et à se faire entendre. Comme s'il n'était pas ravi de la revoir. Mais allez savoir pourquoi, les frères Garner n'avaient jamais été les plus doués pour exprimer ce qu'ils pouvaient ressentir ni même ce qu'ils désiraient. Charlie ne manquait pas à la règle, son passé le rattrapait trop souvent et il ne pouvait se résoudre à se satisfaire d'une quelconque relation. Il lui fallait toujours ce qu'il n'avait pas. Ce qu'il aurait pu vivre avec Anne s'il avait décidé de s'abandonner à elle aurait pu le faire mûrir un peu, aurait pu le faire grandir d'avantage, mais Charlie n'aurait su s'en contenter. Bien sûr, ses sentiments pour la jeune femme étaient bien réels, mais les risques qu'encourait une telle relation ne pouvait lui permettre de se laisser complètement aller à aimer. Il serait et resterait à jamais un éternel insatisfait. Charlie avait besoin d'adrénaline, il avait besoin de vibrer, de goûter au danger pour vivre, et vivre quelque chose de stable et d'émotionnel aurait été un risque trop important qu'il se refusait de prendre. Donner à Anne la chance d'être son point faible, son talon d'Achille sur lequel les vampires n'auraient plus qu'à presser pour le faire souffrir aurait été bien bête et stupide de sa part. Il avait été au-dessus de ça, à contre coeur, mais il était, à l'époque, persuadé d'avoir pris la bonne décision. S'il ne l'avait pas regretté tout de suite, aujourd'hui, il suintait de remords et de douleurs. Anne était si belle, elle était si... femme ! Si vulnérable et pourtant si forte, elle était l'extrême et son opposé, elle était tout en même temps. La fraîcheur et la routine, l'engouement et l'ennui, le désir et le dégoût, l'amour et la haine. Elle était une rose noire à laquelle il se refusait, elle était la tentation, il était le pêcheur. Face à elle, il ne pouvait se résoudre à rester de marbre, mais il savait se mesurer. Ainsi, il ne laissa rien transparaître, se montrant distant, froid, presque glacial.

Anne lui sourit, bien malgré elle, et brusquement, Charlie se prit en pleine tronche tout ce qu'il cherchait à refouler depuis plusieurs minutes. Détournant brièvement son regard d'elle, il serra le poing fort derrière son dos. Il ne savait plus quoi faire. Elle lui parla et c'est tout un monde qui changea à nouveau. Elle avait ce don spécial de l'apaiser autrefois, aujourd'hui, elle le mettait presque mal à l'aise. Il aurait voulu lui dire combien il tenait à elle, combien il était désolé d'avoir pris la fuite ainsi, mais que pouvait-il faire sinon espérer qu'elle ne lui en veuille pas et qu'elle ait déjà tourné la page. Si elle lui apprenait qu'elle voyait quelqu'un, il arriverait même à faire semblant d'être ravi pour elle. Après tout, n'était-ce pas là ce qu'un ami devait faire ? Sa première question resta un instant sans réponse, Charlie chercha les mots, hésitant... « Je... Je crois que je vais bien, malgré cette frayeur. Et toi ? » lui répondit-il en bégayant quelque peu. Le mal aise était apparemment réciproque et surtout palpable. L'ambiance était lourde et Charlie ne savait plus quoi dire pour détendre l'atmosphère, pour rendre les choses plus simples, plus légères. Et puis, Anne changea de sujet, d'ailleurs, c'était étrange qu'il ne l'ait pas fait avant. Il était plutôt intelligent non ? La jeune femme devait lui faire perdre ses moyens, rien d'étonnant à celà après tout. Il resta un instant silencieux, souriant, malgré tout. « Oui... L'affaire est intéressante. Alexia et Declan sont au motel, je suppose que tu y couches aussi ? » lui affirma-t-il sur un ton plus neutre sans se rendre compte qu'il venait de faire là une bourde monumentale.

Tous nos subterfuges s'étaient révélés vains. Le coeur glacé, je le regardais tendrement, j'avais envie d'une seule chose : quitter cette affreuse situation et revenir dans ma petite chambre morbide. Le revoir ainsi allait me causer plus d'ennuis qu'autre chose et je commençais sérieusement à me sentir mal. Mais lorsque Charlie se mit à répondre à ma précédente question, je ressentis ce malaise au plus profond de mon être , cette frayeur que voulais t-il dire par la ? Je représentais peut-être la frayeur en question. Je contemplais, un instant ses boucles soyeuses, son corps puissant et fort, un soupçon de pure luxure me traversa l'esprit l'espace d'une seconde bien sur. Inutile d'espérer une situation plus tranquille avec moins de tensions et beaucoup plus de rire. Saurais-je comment apaiser l'électricité qui planait inconfortablement entre nos têtes ? Découvrirais-je pourquoi cette peste avait le droit de le voir et moi non ? Bon, on y arrive. Profondément, quelque part dans l'immensité de mon esprit, la jalousie se reposait tandis que la colère commençait à pointer le bout de son nez. C'était un fait établi, inconditionnellement et irrévocablement je ne pouvais me trouver en présence de cette très chere Alexia plus de trois minutes. J'ai parfaitement conscience de ma jalouse à son égard, mais que voulez-vous... Elle pouvait voir Charlie tous les jours, lui parler, rire avec lui, se battre en sa compagnie. Moi je suis seule. La solitude n'est pas quelque chose qui m'effraie particulièrement, mais ce qui me dérangeais c'est que la personne que j'aime n'est pas à mes cotés pour une question de sécurité. C'est alors que je répondis à Charlie :

- Oui c'est exact, je n'ai pas changé mes habitudes. Declan et Alexia. Insistai-je sur Alexia en particulier.

Mes prunelles vertes que le désir forcené teintait d'une jalousie un peu trop voyante.

HS - très court sorry