Manhattan, New York, NY - 25/04/11

« Tu sais, on devrait abandonner, il est beaucoup trop coriace pour nous ! » dit l'homme qui lui faisait face, nonchalamment installé sur sa banquette, la chemise ouverte au cou. « Notre vrai problème, c'est qu'on est handicapé par un vrai boulet qui ne reconnaîtra jamais être nul » dit Justin avant de ramener sa bière à sa bouche et de jeter un regard équivoque à son interlocuteur. Ils se mirent alors à rire, si bien que dans un sursaut, il faillit s'étouffer. « Je ne vois pas du tout à qui tu veux faire référence » continua-t-il de nier. Visiblement, l'alcool commençait à rosir leurs joues. C'était peut-être leur cinquième verre, il n'avait pas compté. « Ce n'est pas tous les jours que je me fais plaquer, hauts les cœurs ! » Justin hésita à sourire. Que son ami prenne aussi bien sa rupture, enivré par la bière n'était pas très bon signe, cependant, et non sans réticence, il trinqua une énième fois. Une douce musique retentissait, mais Justin n'y prêta attention que lorsque son ami se mit à se dandiner assez lourdement. Il le suivit simplement du regard quittant la table pour aller plus loin dans le bar, là où était aménagée une petite piste de danse où seul quelqu'un d'assez éméché osera mettre les pieds.
Justin tourna la bouteille entre ses mains. C'était la première fois qu'il mettait les pieds dans ce bar, il n'y avait pas ses repères alors qu'en plus l'idée qu'il allait devoir rentrer seul se profilait à l'horizon, un petit coup moral l'avait subitement abattue, ayant raison de son sourire éthylique. Cependant, l'endroit était cosy. En major partie rouge et bois, la décoration avait été pensée pour se rapprocher d'un style cabaret. Justin commençait à avoir chaud, le sang lui montait décidément à la tête. Jetant un coup d’œil en arrière, il vit son ami plutôt occupé en plus ou moins bonne compagnie. Il décida alors discrètement d'aller prendre l'air sur le trottoir.

C'était dans ces moments-là qu'il enviait les fumeurs. Ils n'avaient pas besoin de justifier une petite séance à l’extérieur, laissant le clapotis de leur briquet parler pour eux. Non, si vous ne fumiez pas, « prendre l'air » n'est pas une action sociale qui témoigne d'une bonne santé mentale. Ce sont les fous, les sauvages, les hyperactifs ou les dealers qui tiennent à aller dehors si ce n'est pas pour fumer. Un homme sain n'a pas besoin d'aller dehors. C'est, inconsciemment pour beaucoup de gens, quelque chose qui paraissait suspect. Seulement, tout le monde autour de lui avait l'air occupé que ce soit par leur téléphone, par une conversation, ou simplement par une cigarette. Le froid lui mordillait gentiment la peau du visage qu'il dirigea vers ciel. S’il regrettait une chose, c'est qu'à New York, il était difficile de voir les étoiles correctement.

Depuis qu'il a commencé à avoir ce rêve, il commençait à voir certaines choses qu'il se convint n’être que du au stress et son métier qui l'accablaient de responsabilités et de travail dont il se passerait bien. C'était troublant, car parfois ces choses persistaient. Il avait peur plus souvent que d'habitude. Sans vraiment savoir pour quoi, la vision de certaines personnes le mettait mal à l'aise, et quelque chose en lui lui disait de courir loin. Ce soir était calme, il ne dormait pas et profitait de la nuit. C'était bien ainsi.