En l'espace d'un instant, ce gala se transforma en un horrible cauchemar. L'ambiance n'était plus festive mais plus lugubre. Quelque chose ne tournait pas rond et lorsque j'entendis un cri au bout de la salle, je compris que quelque chose d'horrible venait d'arriver. Apparemment, quelqu'un avait été assassiné pendant cette fameuse panne de courant sans que personne ne puisse s'en rendre compte. Mount Pleasant devenait petit à petit le théâtre de plusieurs meurtres ce qui était loin d'être rassurant. Cela avait commencé par la découverte d'un corps puis par une lettre anonyme que j'avais récemment reçu. Bien sur, je n'en avais parlé à personne, ce morceau de papier avait brûlé au fond de ma cheminé. Mon passé me rattrapait au fur et à mesure et je ne pouvais me résoudre à cette idée.
Je vis au loin Noam prendre les choses en main. Je voulus à mon tour m'approcher du cadavre, la vue du sang ne me dérangeait pas, j'y étais habituée. Alors qu'un tonnerre retentit, une douleur indescriptible parcouru mon épaule et mon dos. En moins d'une seconde, je fus à terre, comme si le sol c'était dérobé sous mes pieds à mon insu.

Je n'arrivais plus à parler, je n'arrivais plus à réfléchir, j'étais simplement habitée par une douleur qui me paralysait complètement. Je travaillais pourtant dans le domaine médical, je savais ce qu'il fallait faire en cas d'urgence mais je n'arrivais plus à bouger, j'étais littéralement collée au sol.
Relevant légèrement la tête, je pus constater l'ampleur des dégâts, Juliet était elle aussi étendue à côté de moi et même si son écorchure semblait un peu moins grave, je compris qu'elle avait également très mal. Le souffle coupé, je voulais l'aider à tout prix cependant, je n'en avais plus la force. Heureusement, Dale vint éponger nos plaies même si cela ne suffirait sûrement pas. Mordillant ma lèvre inférieure en sentant le tissu sur ma blessure, je ne pus m'empêcher de pousser un cri de douleur. C'était tout simplement horrible à supporter. «  Dale, att... »
Je n'eus pas le temps de finir ma phrase puisque à son tour, le jeune homme fut lui aussi percuté. Il fallait que je l'aide. Usant de toutes mes forces, je rampai lentement jusqu'à la table. J'étais née pour soigner des personnes et je ne comptais pas faillir à cette règle.Tirant la nappe d'un coup sec, ce mouvement fut comme un électrochoc. Peu importe si les plats étaient au sol, l'important était de stopper l’hémorragie. Sans même m'en apercevoir, des larmes coulaient le long de mes joues alors que je retournai vers Dale. J'eus le temps de poser ce morceau de tissu sur son crâne mais soudain je me sentis partir. Des sueurs froides perlaient sur mon front, des petites pites blanches brouillaient ma vue, mon pouls ralentissait et les voix qui m'entouraient semblaient lointaines. Je sentis alors le malaise survenir et avant même que je puisse prononcer quoi que ce soit, je sombrai à mon tour dans un tout autre monde. L'inconscience.

Tout semblait se transformer peu à peu en véritable cauchemar à l'hôtel Breattanion. D'abord les éclairages, qui nous avaient plongés dans une obscurité angoissante. La peur et l’incompréhension planant dans l'air, car personne n'aime être plongé dans le noir, cela réveille des angoisses d'enfants même si on les repousse au plus profond de soi-même. La peur de l'inconnu, de ses corps qui nous frôlent et qu'on ne peut identifier. J'essaye d'étouffer ma peur, heureusement Terry est là, toujours. Sa tape derrière ma tête suite à mon erreur de contact qui se voulait intime mais pas avec la bonne personne. J'arrive à sourire presque car même si je le vois pas, je sens son parfum. Il m'enveloppe et me protège. Soudainement, quand on pense pouvoir respirer, un cri strident vient approfondir nos angoisses déjà bien présentes et qui font coulées cette perle de sueur le long de notre colonne vertébrale. Comme hypnotisé par les gens qui s'attroupent, j'ai essayé de me glisser mais Terry me retient et je sens dans son regard tout son sérieux. Je décide de lui obéir car je comprends que quelqu'un doit être mort suite aux discussions. J'ai pas envie de voir un cadavre, même si la télé a terminé de tuer mon innocence. Cela m'empêche en rien de faire preuve de mon humour cinglant et parfois hors de propos. « Mais vas-y ! Laisse moi en arrière ! Dois-je te rappeler que dans les films d'horreurs, c'est comme ça que cela termine mal ? J'espère que tu viendras verser au moins une larme sur ma tombe ? »

Je m'étais jamais senti courageux, mais en voyant ces deux jeunes femmes à terre, mon sang n'a fait qu'un tour. Je me suis approché découvrant que la blonde avait été blessé à l'épaule et que la brune l'avait été aussi mais au bras. Ce n'était pas le moment de se poser des questions J'ai fait tomber ma veste. Je me suis agenouillé et j'ai déchiré ma chemise pour les aider. Tout ce sang me pétrifia et dans un fin murmure j'essayais de rassurer Juliet. « Appuie bien fort ! Il faut pas appeler les secours...» Je m'inquiétais soudainement pour Althéa qui semblait bien plus touchée. J'essayais comme je pouvais d'arrêter le sang de s'échapper de sa plaie en appuyant de plus en plus fort. Mes mains rouges grenat me retournaient l'estomac. L'horreur planait autour de nous. Ma conscience commença à vaciller alors que j'entendis Juliet et Althéa me prévenir d'un danger proche. J'essayai de tourner la tête mais le coup m’assomma avant que je puis-ce voir quelque chose. Je tombai comme un poids lourd sur les dalles sur lesquelles mes genoux reposaient. La douleur était cuisante et pourtant je sentis mon corps lutter pour garder les yeux ouverts. Mes mains se crispant et mes yeux papillonnant, alors que ce liquide brulant et à l'odeur cuivré s'écoula sur mon visage pour se perdre à la commissure de mes lèvres. Pourtant, j'ai commencé à sentir comme quelque chose venir à la rencontre de l'arrière de ma tête. La douleur se fit plus diffuse. Est-ce qu'on était entrain de me soigner ? J'étais déjà plus conscient et pourtant un dernier mot s'échappa de mes lèvres ensanglantées: « Terry...» et je sombrai dans l'inconscience la plus totale.

Noam contenait le flot de personnes qui s'attroupaient autour du cadavre du mieux qu'il pouvait. Il ne connaissait que trop la frustration d'un médecin ou d'un légiste lorsque le corps en étude était souillé parce que des curieux n'avaient pas résisté à la tentation. Terry se précipita à la rescousse et usa de son pouvoir de policier pour dissuader enfin les convives. Lui-même ne savait pas trop comment agir. Les lumières étaient difficiles à rétablir et les faibles lueurs étaient celles des portables ou de lampes de poche qui étaient sortis de n'importe où. Certains avaient-ils pu vraiment prévoir une panne d'électricité durant la soirée luxueuse de Belinda ? Celle-ci avait tourné au cauchemar en quelques minutes. Belinda était débordée et essayait tant bien que mal de gérer cette catastrophe. Les secours n'étaient pas encore arrivés et seuls les policiers débarquaient à peine sur les lieux, certainement grâce à l'appel de leur coéquipier qui avait confirmé qu'il ne s'agissait pas d'une farce. Noam haïssait plus que tout lorsqu'ils n'étaient pas capable d'accourir lors de situations critiques. Il demeurait sur place tandis que Terry s'éclipsa pour aller vérifier Dale. C'était une initiative pas si stupide que ça, l'adolescent pouvait encore se faire remarquer même quand il y avait un homme mort à leurs pieds pour leur voler la vedette. Peu à peu les policiers évacuèrent ou du moins repoussaient les gens, entraînant également Noam. Peu importait qu'il soit médecin ici, l'homme à terre n'avait plus vraiment besoin de quelqu'un pour lui porter secours à présent.

Il s'était donc attelé à calmer des esprits en pleine panique, certains que leur tour n'allait pas tarder. Les américains avaient toujours eu ce don pour le mélodramatique depuis l'histoire des temps. Il essayait de faire asseoir une vieille dame en état de choc mais il entendit soudain son nom au loin. Trois blessés. Allons bon, étaient-ce des personnes qui avaient voulu jouer les héros et casser une vitre ou quoi encore ? Il interpella un homme pour prendre soin de la petite dame puis il reprit le chemin inverse pour retrouver la grande salle autrefois réservée à une soirée calme. A peine Noam fut parvenu auprès de Terry que la vue des trois blessés manqua de le faire reculer de surprise. Dale était inconscient avec une plaie à la tête tandis qu'Althéa gisait avec une épaule dans un sale état. Son amie brune quant à elle était blessée au bras mais était encore consciente, du moins il l'espérait. « C'est pas possible. » Comment allaient-ils pouvoir gérer ça alors que les sirènes des urgences demeuraient inaudibles ? Tentant de rassembler ses esprits, Noam prit la main de Terry sans ménagement et l'appuya sur la blessure de Dale qui avait été recouverte d'une tissu de la nappe par on ne sait qui. « Garde ta main là. Appuie et ne te préoccupe pas de ce que tu sens à travers. Il ne faut pas qu'il perde plus de sang c'est le cas le plus urgent. Dès qu'il y a les secours tu les laisses l'emmener au plus vite. » Terry semblait étrangement inquiet et le médecin se doutait qu'il portait de l'affection à son petit beau-frère encore mineur. Il passa ensuite la jeune fille brune qui commençait doucement à sombrer. Il la secoua sans ménagement pour la sortir de sa torpeur : « Ca n'est pas le moment de tomber dans les pommes, Mademoiselle. » C'était le seul moyen pour éviter l'évanouissement : les faire parler. Il l'assit contre le pied de la table puis déchira un morceau de la nappe. Il se saisit d'une bouteille de vodka servie à l'occasion puis mouilla le chiffon avec. « Vous avez le droit de crier tant que vous parlez. » Puis il appliqua la solution sur le bras de Juliet. Il ne savait pas avec quoi ils étaient blessés mais les blessures étaient profondes et il fallait désinfecter tant bien que mal. Il saisit l'autre main de Juliet pour qu'elle appuie à son tour le chiffon mouillé sur sa plaie. Noam était surtout les fronts et commençait à perdre ses moyens. Etait-il donc le seul médecin présent ? Hormis Althéa qui était inconsciente ? « Qui a fait ça tu l'as vu ? » Begaya-t-il à Terry bien qu'il ne puisse rien faire de plus à son tour. Il souleva Althéa contre lui pour évaluer la blessure à son épaule. C'était la même que les autres. Il s'apprêtait à faire la même chose pour la jeune femme blonde quand les gyrophares bruyants des secours se firent entendre plus loin dans la rue.

On pensait souvent que je me mettais en spectacle. C'est vrai que j'avais la mauvaise habitude comme tout adolescent d'attirer les ennuies comme un paratonnerre en plein ouragan. Cependant, j'étais loin de penser que mon envie d'aider se retournerait contre moi. Je pensais tout simplement faire mon chevalier en armure étincelante au prêt de la jolie blonde et de la jolie brune. Là dedans, je cherchais même pas les lauriers ou les félicitations. J'avais tout simplement fait ce qui me semblait normal dans une telle situation. Mais, le destin s'acharna sur moi et la personne qui semblait avoir agressé Althéa et Juliet, me frappa violemment derrière la tête. Elles avaient bien essayés de me prévenir, mais l'objet contondant eu raison de mes forces. Quel chevalier se faisait...

J'avais sombré, même si j'avais lutté de toutes mes forces. Maintenant, les yeux clos, je ne ressentais que les vibrations des corps et des pas autour de moi. Je sentais que cela s'agitait. Étrangement, j'avais toujours cru que la douleur monterait crescendo, mais sur ce sol si froid, je ressentais de moins en moins cette brulure en haut du crâne. Je n'arrivais même plus à sentir mon visage, ni le sang qui s'infiltrait à l'intérieur de ma bouche ouverte. J'avais les extrémités glacés et cette sensation de partir remonta le long de mes muscles qui se relâchaient un à un. Puis, quelque chose me rattacha in-extrémiste. Et, ce n'est pas la main ou la présence de Terry, que je n'arrivais même pas à capter, l'aide d'Althéa ou encore celle de Noam. Ce fut son parfum, les effluves d'Onassis qui me tendit une corde et qui m'empêcha de sombrer encore plus profond dans mon demi-sommeil. Je me bats alors, car j'ai vu assez d'épisodes de Grey's Anatomy (merci à ma sœur) pour réaliser que je dois surtout pas m'endormir. Je sens une forte douleur sur ma caboche blessée et je grimace sans ouvrir les yeux, sans savoir que grâce aux conseils de Noam, Terry est entrain de m'empêcher de me vider de tout mon sang. Ma main couvert de mon sang se réveille, elle tâtonne et va à la rencontre de celle la plus proche. J'espère que c'est celle du policier. Je la serre avec mes derniers forces. Il est hors de question que ma vie s'arrête là. Hors de question !

Tout était devenu sombre, je ne sais pas ou j'étais, mais j'étais. Je ne pourrais pas définir l'endroit exacte ou je me trouvais toutefois je m'y sentais en sécurité. Une sensation plaisante me parcourrait tout le corps, je pouvais nager dans les plus beaux océans et voler dans les ciels les plus dégagés. Quand soudain, je fus arraché à mon paradis, quelqu'un me priva de mon bien-être. Chaque petit détail qui constituait l'endroit idyllique de mon âme se brisa, et la réalité me submergea. Revenant peu à peu à moi, j'apercevais un homme qui me cria « Ca n'est pas le moment de tomber dans les pommes, Mademoiselle. » Un bruit strident que je semblais la seule à attendre retentit. Ravie de constater que la douleur s'était atténuée, j'ouvrais avec vivacité mes yeux pour regarder mon interlocuteur. Il attrapa une bouteille de vodka qu'il appliqua sur un morceau des si belles nappes de la réception. Il me murmura alors « Vous avez le droit de crier tant que vous parlez. » Le picotement me replongea dans la douleur si pénible de ma blessure que je haïssais de tout mon être. Je semblais en mesure de me lever, je m'accrochais au coin de la table pour me soutenir et poussa fortement. Désormais debout, je tenais le morceau de nappe contre ma plaie tout en m'efforçant de garder mon calme. Althéa ainsi que le jeune adolescent était au sol, j'étais sans doute la moins touchée et je ne pouvais pas m'empêcher d'être soulagée. Un bon nombre de convives avait quittés les lieux et le mouvement de foule n'avait épargné personne. Ainsi, j'entendis malgré moi Noam qui demanda à un homme qui avait commis cet acte atroce. Encore sonnée, je répondis « un homme avec un crochet. »

L'idée de me retrouver face à cet homme au crochet me terrifiait, je pouvais le revoir sortir son arme de sa poche, c'était comme un horrible cauchemar dont nous étions les victimes. Une seule pensée me traversa l'esprit : rentrer chez moi et retrouvez le sentiment de sécurité que j'éprouverais en passant le seuil de ma porte. La police semblait être arrivée sur les lieux du crime, des crimes. J'étais rassurée de voir que des professionnels étaient présents pour nous protéger. L'homme ne devrait pas revenir avec toute cette foule, je crus entendre les sirènes des ambulances, mais je pouvais me tromper.

PRÉSENCE D'UN PNJ

Belinda Vison se trouvait à l'extérieur du bâtiment, près des voitures de police. Encore sous le choc de ce qu'il venait de se jouait devant ses yeux, elle avait un mal fou à s'exprimer avec cohérence. Le policier lui demanda simplement de raconter les faits. Elle souleva le regard pour lui répondre :

« Il y a eu cette panne de courant ... Je suis allée à la réception pour m'adresser à George. C'est à ce moment que j'ai vu le corps, il y avait tellement de sang. J'ai prévenu la mère de la victime, elle va arriver. Je ... »